Vous êtes sur le point de créer une entreprise. Vous avez entendu parler de la société créée de fait. On parle d'une société créée de fait lorsque plusieurs personnes se « comportent » comme des associés en partageant pertes et profits, sans les formalités matérielles.
Société créée de fait : définition
Pour être juridiquement constituée, toute société doit remplir les conditions prévues par l'article 1832 du Code civil.
Il s'agit de la décision de deux ou plusieurs personnes (une lorsque la loi l'autorise) qui, par un contrat, décident d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie, et ce, en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Ces associés s'engagent également à contribuer aux pertes.
La volonté de s'associer répond au concept juridique d'affectio societatis sans lequel aucune création de société n'est possible.
Toutefois, la constitution de société répond également à des exigences matérielles. Il est question des démarches visant sa création telles que :
- l'établissement de statuts sociaux ;
- l'ouverture d'un compte bancaire ;
- le choix d'un siège social, etc.
La société doit obtenir son immatriculation auprès du greffe du Tribunal dont elle dépend (ou CFE - centre de formalités des entreprises, selon sa nature).
Faute d'immatriculation, la société n'est pas reconnue par les organismes sociaux et le Trésor public. Elle peut être constatée par les tiers et ses contractants (par un papier en tête par exemple). Toutefois, elle n'a pas d'existence juridique « réglementaire ».
Attention : suite à l’immatriculation de leur entreprise au registre du commerce et des sociétés (RCS), les entrepreneurs et sociétés sont régulièrement victimes d’arnaques réalisées au moyen de courriers aux apparences d’un courrier officiel envoyés par le registre du commerce et des sociétés. Ces courriers, souvent accompagnés d’une facture à payer, jouent sur la confusion avec Infogreffe, un greffe de tribunal de commerce, parfois avec le RSI ou la tva intracommunautaire. Pour contrer le développement de ces arnaques, Infogreffe a mis en ligne un blog qui répertorie les escroqueries et les sites parasites : https://myinfogreffe.fr/repertoire-des-arnaques.
Quand plusieurs personnes partagent pertes et profits, se comportant donc comme des associés, on parle alors de société créée de fait. Les critères d'existence prévus par l'article 1832 du Code civil sont remplis mais les formalités matérielles font défaut.
Bon à savoir : attention, il ne faut pas confondre la société créée de fait et la « société de fait », telle que définie par la doctrine juridique. Celle-ci est une société qui existe sans remplir les conditions nécessaires à sa validité, telles que prévues par l'article 1832 du Code civil (volonté de s'associer manquante, notamment).
Régime de la société créée de fait
La société créée de fait est appréhendée par l'article 1873 du Code civil, en fin du chapitre concernant les sociétés en participation.
Cet article emporte l'application du régime des sociétés en participation à celles créées de fait. En voici les principaux éléments :
- La société en participation est celle que les associés décident de ne pas immatriculer.
- Elle n'a pas la personnalité morale et n'est pas soumise à publicité.
- Son objet et son fonctionnement sont libres, sous réserve de ne pas porter atteinte à certaines règles générales du droit des sociétés.
- À défaut de précision, les rapports entre associés sont régis par les règles applicables aux sociétés civiles en cas d'objet civil, et celles afférentes aux sociétés commerciales le cas échéant.
- Chaque associé reste propriétaire des biens qu'il met à disposition de la société et chacun est (sauf exception) seul responsable à l'égard des tiers.
Mais alors, quelle différence entre la société en participation et la société créée de fait ? La société en participation résulte d'une volonté expresse des associés de ne pas procéder à une immatriculation. La société créée de fait, elle, ressort de la pratique quotidienne, sans volonté précise.
Preuve de l'existence de la société créée de fait
Les raisons qui poussent à démontrer l'existence d'une société créée de fait sont multiples. Il peut être question d'une personne travaillant pour la société, sans contrat de travail, et qui souhaite faire reconnaître son statut salarié. Il peut également être question d'un créancier impayé qui veut obtenir son règlement. Généralement, l'on tend à montrer l'existence de la société créée de fait pour en régler les contentieux et la dissolution.
La société créée de fait peut être prouvée de diverses façons. Il faut engager une action en justice.
On exige de la personne qui engage la procédure de rapporter la preuve de tous les éléments constitutifs d'une société, tels que prévus par l'article 1832 du Code civil. Pour mémoire, il s'agit :
- des apports réciproques ;
- de l'intention de s'associer ;
- de la volonté de partager les bénéfices et les pertes.
Mais la cour de cassation considère que si l'existence d'une société créée de fait exige la réunion des éléments constitutifs de toute société, l'apparence d'une telle société s'apprécie globalement. Ainsi, le demandeur doit démontrer que les personnes avec qui il est entré en relation semblaient constituer une société (Cour de cassation, chambre commerciale, 8 juillet 2003 - n° 99-19.821).
Bon à savoir : selon l'article 1872-1 du Code civil, les participants à la société créée de fait qui agissent en qualité d'associés envers les tiers sont tenus envers eux des engagements pris par les autres associés. Cette obligation est solidaire en cas d'activité commerciale. Cela signifie que le créancier pourra alors demander à chacun de payer tout ce qui lui est dû.
Les situations de sociétés créées de fait sont plus courantes qu'on ne le pense.
Ces sociétés sont souvent caractérisées lorsque une famille travaille ensemble. Ainsi, les concubins y ont souvent recours pour réglementer leur vie commune.
Exemple : une activité agricole est exercée par un couple avec l'intention de mettre en commun les biens du ménage, les apports en numéraire ou en nature. Ils doivent aussi avoir la volonté de se partager les dettes (Cour de cassation, chambre civile, 1, 4 juin 2007, n° 06-15.249).
Mais l'activité de la société peut être très variable (la société objet de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 juillet 2003 précité était commerciale).