
Vous êtes en relation avec un partenaire commercial depuis longtemps. Vous souhaitez mettre fin à vos engagements à son égard. Attention à la rupture brutale des relations commerciales établies. Le point sur la question.
Rupture brutale des relations commerciales : définition
Le droit français postule un principe de liberté contractuelle. Il existe toutefois une limite : celle de l'abus. Cette théorie trouve application en matière commerciale, à travers les dispositions de l'article L. 442-1 II du Code de commerce (tel qu'issu de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019).
Conditions de la rupture brutale des relations commerciales
Ce régime ne s'applique pas à toutes les relations et à toutes les personnes.
Qualité des personnes et nature de la relation
La relation doit être de nature commerciale. Elle peut porter sur tous types de prestation ou fourniture de produits. Pour la victime, la qualité de commerçant n'est toutefois pas exigée. En effet, son statut juridique est sans incidence. Une association peut parfaitement se prévaloir de l'article L. 442-1 II du Code de commerce.
Autres exemples : un organisme administratif chargé d'une mission de service public peut se plaindre d'une rupture brutale, tout comme une chaîne de télévision du service public (CA Reims, 6 novembre 2006, CA Paris, 8 octobre 2008).
Il semble en revanche que la personne auteur du comportement doive relever d'une des catégories visées par le texte : producteur, commerçant, industriel et une personne immatriculée au répertoire des métiers.
Bon à savoir : il a cependant pu être jugé qu'une rupture des relations brutale pouvait être caractérisée contre une association à but non lucratif ayant rompu une relation régulière avec une société de taxi (CA Paris, 4 avril 2012).
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Une relation établie
Une relation contractuelle stable doit exister entre les parties. Une succession de contrats ponctuels peut suffire. Nul besoin d'échanges en continu ou permanents (Cass. com., 15 septembre 2009, Bull. Civ. IV, n° 110).
Exemple : une relation établie a été caractérisée en prenant en compte sa durée et sa stabilité eu égard au nombre de chantiers réalisés par une entreprise (CA Angers, 10 mai 2005). Dans une autre affaire, un règlement régulier 11 fois par an pendant 6 ans pour l'exécution de travaux ont caractérisé la relation établie (CA Bordeaux, 7 février 2007).
Droit à un préavis
Si une telle situation est caractérisée, la relation commerciale doit être rompue par écrit et avec un préavis suffisant. Le préavis fixé par le contrat, même respecté, peut s'avérer insuffisant. Pour fixer un préavis raisonnable, il faut tenir compte de la durée de la relation, du degré de dépendance économique du cocontractant et des usages de la profession.
L'ancien article L. 442-6 du Code de commerce ne donnait pas de délai précise de préavis. L'article L. 442-1 II alinéa 2 du Code de commerce (tel qu'issu de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019) précise dorénavant que la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut pas être engagée s’il respecte un préavis de 18 mois.
La rupture brutale des relations commerciales et sa procédure en réparation
Juridiction compétente
Si vous êtes victime d'une rupture contractuelle que vous jugez abusive, vous pouvez saisir le tribunal. Depuis le 26 avril 2019, toute personne justifiant d’un intérêt peut demander à la juridiction d’ordonner la cessation des pratiques ainsi que la réparation de son préjudicie (nouvel article L. 442-4 du Code de commerce).
Il vous faudra assigner votre cocontractant, selon les circonstances, soit devant :
- la chambre de proximité (ex-tribunal d'instance), lorsqu'elle existe, pour les litiges entre particuliers et commerçants allant de 0 à 10 000 € ;
- le tribunal judiciaire (ex-tribunal de grande instance), pour les litiges entre particuliers et commerçants ;
- le tribunal de commerce (sans condition de montant mais obligatoire pour les relations entre deux commerçants, et possible pour une relation commerçant-particulier sur choix).
À noter : la Répression des fraudes a mis en place la plateforme SignalConso, accessible depuis un navigateur web et via une application mobile. Ce service permet aux consommateurs de signaler tout litige lié à la consommation. Les réclamations sont transmises à l’entreprise concernée, qui peut indiquer ce qu’elle compte faire pour remédier aux dysfonctionnements signalés. La Répression des fraudes se réserve le droit d'intervenir ou de surveiller le professionnel concerné.
Sanction
En application de l'article L. 442-4 du Code de commerce, il est possible de demander :
- la cessation des pratiques ;
- la réparation du préjudice subi sous forme de dommages et intérêts (attention, ce préjudice est celui qui est causé par la brutalité de la rupture et non par la rupture elle-même) ;
- la nullité des clauses ou contrats illicites ;
- la restitution des avantages indus;
- le prononcé d'une amende civile plafonnée au plus élevé de ces trois montants : 5 M d’euros, 5 % du chiffre d’affaires ou 3 fois les sommes indûment perçues.
Exemple : la perte partielle d'un fonds de commerce et le coût de licenciement d'une partie du personnel ne sont indemnisables que si l'on rapporte la preuve qu'ils ont été causés par la brutalité de la rupture (Cass. com., 11 juin 2013, n° 12-20.846).