Le jugement de liquidation judiciaire du locataire bénéficiant d’un bail commercial met le bailleur dans une situation inconfortable.
En effet, le bailleur reste dans l’incertitude quant au sort du bail commercial, le jugement de liquidation n’entraînant pas sa résiliation automatique.
Sort du bail commercial dans le cadre de la liquidation judiciaire
Dès le jugement de liquidation judiciaire, la locataire n’a plus la main sur le bail commercial. C’est le liquidateur, nommé par le juge-commissaire, qui doit désormais répondre des obligations locatives.
Le sort du bail en cas de liquidation judiciaire est régi par les dispositions des articles L 145-45, L 622-13 et L 641-12 du Code de commerce.
Non-résiliation automatique du bail commercial
Le jugement de liquidation judiciaire n’emporte pas la résiliation de plein droit du bail commercial (article L 145-45 du Code de commerce).
Aucune clause du bail ne peut prévoir la résiliation automatique en cas de jugement de liquidation judiciaire. Si une telle clause est prévue au bail, elle ne peut être appliquée.
Le liquidateur doit ainsi répondre du paiement du loyer et des charges, ainsi que de toutes les obligations locatives, à compter du jugement et tant qu’il n’est pas mis fin au bail.
Possibilité de continuation du bail commercial
Le liquidateur peut décider, après le jugement de liquidation judiciaire, de poursuivre le bail commercial.
Le bailleur en est informé :
- soit parce que le liquidateur lui a signifié la continuation du bail par courrier ;
- soit parce que le liquidateur continue de payer le loyer.
Pour que le bail puisse être poursuivi, le liquidateur doit s’assurer de disposer des fonds nécessaires pour assumer le paiement du loyer.
Résiliation du bail
Si le liquidateur constate qu’il ne dispose pas des fonds nécessaires pour payer le loyer, il met fin au bail commercial et informe le bailleur de sa décision.
La résiliation prend effet à compter de la réception du courrier informant le bailleur de la décision du liquidateur.
À compter de cette date, le liquidateur doit libérer les lieux. Comme pour toute fin de bail, il doit être procéder :
- à l’état des lieux de sortie ;
- à la restitution du local ;
- à la remise des clés au bailleur.
Résiliation de plein droit du bail commercial après jugement de liquidation judiciaire
La résiliation de plein droit peut être demandée ou constatée :
- en cas d'absence de réponse du liquidateur après un délai d’un mois à compter de la mise en demeure par le bailleur de se prononcer sur la poursuite du bail. Avant l’expiration du délai d’un mois, le juge-commissaire peut impartir un délai plus court ou accorder un délai plus long au liquidateur pour se prononcer, sans que ce délai ne dépasse deux mois ;
- en cas de demande faite par le bailleur de résiliation judiciaire ou de demande de constat de résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges dues pour une occupation du local après le jugement de liquidation (dettes postérieures au jugement). Dans cette hypothèse, le bailleur ne peut agir qu’au terme d’un délai de 3 mois à compter du jugement de liquidation ;
- en cas de demande faite par le bailleur de résiliation judiciaire ou demande de constat de résiliation de plein droit du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire. Les causes antérieures ne peuvent être le non paiement du loyer et des charges. Ce sont par exemple le manque d’entretien du local par le locataire, le défaut de réparation.
À noter : s'il n’a pas déjà introduit de demande de résiliation après le jugement d’ouverture de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le bailleur peut agir dans les trois mois suivant la publication du jugement de liquidation judiciaire.
Cession du bail commercial
Le liquidateur peut décider de continuer le bail commercial après le jugement de liquidation judiciaire, en vue de le céder (article L 641-12 du Code de commerce).
Il peut céder le bail seul en tant qu’actif, mais doit préalablement en demander l’autorisation au juge-commissaire.
Les clauses relatives à la cession, contenues dans le bail initial, doivent être respectées dans le cadre de la cession décidée par le liquidateur.
Le liquidateur peut également décider de céder le bail dans le cadre de la cession globale de l’entreprise (plan de cession-liquidation).
Bail commercial, liquidation judiciaire et créances du bailleur
Le bailleur peut déclarer au liquidateur toutes les sommes qui ne lui ont pas été payées (créances) avant ou après le jugement de liquidation, afin de pouvoir éventuellement se les faire payer.
Créances antérieures au jugement de liquidation judiciaire
Les créances antérieures sont les sommes qui n’ont pas été payées au bailleur par le locataire avant le jugement de liquidation.
À partir du jugement de liquidation judiciaire, elles ne peuvent être payées.
Le bailleur doit les déclarer au liquidateur en lui adressant une déclaration de créance mentionnant l’ensemble des sommes qui lui sont dues.
Le bailleur bénéficie d’un privilège (priorité de paiement) pour les deux années de loyers précédant le jugement d’ouverture de la procédure collective (article L 622-16 du Code de commerce).
À noter : le privilège du bailleur n’est pas bien placé dans l’ordre de priorité des privilèges des créanciers. Le bailleur est payé s’il reste suffisamment de fonds, après les salariés, après paiement des frais de justice et après le privilège de conciliation.
Créances postérieures au jugement de liquidation judiciaire
Les créances postérieures sont les sommes dues au bailleur au titre du bail commercial pour l’occupation du local après jugement de liquidation judiciaire.
Le bailleur à qui l’on doit des sommes liées à l’occupation du local entre la date d’ouverture du jugement de liquidation et la date à laquelle il a obtenu ou eu connaissance de la résiliation, doit être payé à la date normale d’échéance de paiement.
Si les sommes ne sont pas payées à leur échéance normale, le bailleur doit les déclarer au liquidateur :
- dans un délai de 6 mois à compter de la publication du jugement de liquidation ;
- à défaut, dans le délai d’un mois à compter de la publication du jugement arrêtant le plan de cession.
Comme les créances antérieures, elles sont payées après les sommes dues aux salariés, les frais de justice et le privilège de conciliation.
Autant dire que le bailleur a peu de chance de récupérer les sommes qui lui sont dues au titre du bail commercial.